CHAPITRE 20

 

 

Le voyage en avion aurait été un autre absolu cauchemar mais j’étais si épuisé que je dormis. Vingt-quatre heures s’étaient écoulées depuis mon dernier repos, un repos de rêve dans les bras de Gretchen, et je sombrai dans un sommeil si profond que, lorsque David m’éveilla pour le changement d’avion à Porto Rico, c’est à peine si je savais où nous étions ni ce que nous faisions et, pendant un moment bizarre, cela me parut tout à fait normal de trimballer ce grand corps pesant dans un état de totale confusion et en obéissant sans réfléchir aux ordres de David.

Pour cette correspondance, nous ne sortîmes pas du terminal. Et quand enfin nous atterrîmes au petit aéroport de Grenade, je fus surpris par la délicieuse chaleur des Caraïbes et le ciel clair du crépuscule.

Le monde tout entier semblait transformé par les douces brises embaumées qui nous accueillirent. Je me félicitai de notre expédition dans la boutique de Canal Street à La Nouvelle-Orléans, car les épais vêtements de tweed n’étaient vraiment pas ce qu’il fallait. Comme le taxi bringuebalait sur l’étroite petite route pour nous amener à notre hôtel du front de mer, je regardais, pétrifié, la forêt luxuriante autour de nous, les grands hibiscus rouges qui fleurissaient derrière de petites barrières, les gracieux cocotiers penchés au-dessus de petites maisons bâties à flanc de coteaux et j’avais hâte de voir tout cela, non pas avec cette pâle vision nocturne si décevante de mortel, mais sous la lumière magique du soleil matinal.

Il n’y avait pas de doute, ma transformation dans l’horrible froid de Georgetown avait été une véritable pénitence. Et pourtant, quand j’y songeais – à cette ravissante neige blanche, à la chaleur de la petite maison de Gretchen –, je ne pouvais vraiment pas me plaindre. C’était seulement que cette île des Caraïbes me paraissait être le vrai monde, le monde de la vraie vie ; et je m’émerveillais, comme toujours quand j’étais dans ces îles, que ce pays pût être si beau, si chaud et si pauvre.

Ici, on voyait la pauvreté partout : aux maisons de bois perchées de façon bien précaire sur des pilotis, chez les piétons marchant au bord de la route, aux vieilles automobiles rouillées et à l’absence totale de tout signe de prospérité ; tout cela bien sûr était pittoresque aux yeux du visiteur, mais ce devait être une existence difficile pour les indigènes qui n’avaient jamais réuni assez de dollars pour quitter cet endroit, ne serait-ce que pour un seul jour.

Le ciel du soir était d’un bleu profond et étincelant, comme c’est souvent le cas dans cette partie du monde, aussi incandescent qu’il peut l’être au-dessus de Miami, et les doux nuages blancs formaient le même spectaculaire panorama à l’horizon de la mer miroitante. Spectacle enchanteur et ce n’est qu’un coin minuscule des grandes Caraïbes. Pourquoi vais-je donc toujours errer sous d’autres climats ?

L’hôtel était en fait une petite pension de famille poussiéreuse et négligée, en stuc blanc sous un assemblage complexe de toits en tôle rouillée. Il n’était connu que de quelques Britanniques, et il était très paisible, avec toute une aile de chambres assez démodées donnant sur le sable de la plage de Grande Anse. Se répandant en excuses parce que la climatisation était en panne et parce que nous étions logés si à l’étroit – nous devions partager une chambre avec des lits jumeaux, et je faillis éclater de rire quand David leva les yeux au ciel comme pour dire en silence que son martyre ne se terminerait jamais ! – le propriétaire nous montra que le ventilateur qui grinçait au plafond provoquait en effet une petite brise. De vieilles persiennes blanches protégeaient les fenêtres. Le mobilier était en osier peint en blanc et le sol en vieux carrelage.

Tout cela me parut très charmant, mais surtout à cause de la douceur de l’air et du bout de jungle qui entourait le bâtiment, avec son inévitable foisonnement de feuilles de bananiers et ses guirlandes de volubilis. Ah ! ces plantes grimpantes. On devrait toujours avoir pour principe de ne jamais vivre dans une partie du monde où ne pousse pas ce genre de plantes.

Puis nous entreprîmes aussitôt de nous changer. J’ôtai mon tweed pour passer un léger pantalon de coton et la chemise que j’avais achetés à La Nouvelle-Orléans avant notre départ, ainsi que des chaussures blanches de tennis ; puis, renonçant à me jeter sur David qui se changeait en me tournant le dos, je m’en allai sous les gracieuses frondaisons des cocotiers et je descendis sur le sable de la plage.

Jamais je n’avais connu une nuit plus douce et plus calme. Tout mon amour des Caraïbes me revint – mêlé à de pénibles et bienheureux souvenirs. Mais j’avais hâte de voir cette nuit avec mes yeux d’autrefois. J’avais hâte de voir au-delà des ténèbres qui s’épaississaient et des ombres qui enveloppaient les collines. J’avais hâte, avec mon ouïe surnaturelle, de capter les chants de la jungle, de m’aventurer avec la vitesse d’un vampire jusqu’aux montagnes de l’intérieur pour découvrir les petites vallées secrètes et les cascades comme seul Lestat le Vampire aurait pu le faire.

Toutes mes découvertes m’emplissaient d’une terrible, terrible tristesse. Et peut-être me rendis-je compte pleinement pour la première fois que tous mes rêves de vie mortelle n’avaient été que mensonge. Non pas que cette vie n’eût pas été magique ; non pas que cette création n’eût pas été un miracle ; non pas que le monde n’eût pas été fondamentalement bon. Mais je disposais depuis si longtemps de mon ténébreux pouvoir que j’avais perdu confiance en l’avantage qu’il m’avait conféré. Je n’avais pas réussi à estimer mes dons à leur juste valeur. Et je voulais les retrouver.

Oui, c’était un échec, de toute évidence. La vie mortelle aurait dû me suffire !

Je levais les yeux vers les petites étoiles insensibles, comme autant de méprisables gardiennes, et je priai les dieux ténébreux qui ne sont pas là pour comprendre.

Je pensai à Gretchen. Avait-elle déjà rejoint ses forêts tropicales et tous les malades qui attendaient le réconfort de ses douces mains ? J’aurais bien voulu savoir où elle était.

Peut-être se trouvait-elle déjà au travail dans un dispensaire de la jungle, au milieu de flacons de médicaments, ou bien cheminant jusqu’à des villages voisins avec un sac à dos plein de miracles. Je pensais à son calme bonheur quand elle m’avait décrit la mission. La chaleur de ces étreintes me revint, leur douceur ensommeillée et l’atmosphère douillette de cette petite chambre. Je revis la neige qui tombait de derrière les fenêtres. Je vis ses grands yeux noisette fixés sur moi et j’entendis le rythme lent de ses paroles.

Et puis, de nouveau, je vis au-dessus de moi le ciel du soir d’un bleu profond ; je sentis la brise qui soufflait sur moi comme de l’eau ; et je pensai à David, David qui maintenant était ici avec moi.

Je pleurais quand David me toucha le bras.

Un moment, je ne parvins pas à distinguer les traits de son visage. La plage était sombre et le bruit du ressac si fracassant que rien en moi ne semblait fonctionner comme il le devrait. Puis je compris que bien sûr c’était David qui était planté là à me regarder, David en chemise de coton blanc, en jeans délavé et en sandales, qui parvenait on ne sait comment à avoir l’air élégant même dans cette tenue – David qui me demandait doucement de bien vouloir regagner la chambre.

« Jake est là, dit-il ; notre homme de Mexico. Je pense que vous devriez venir. »

Le ventilateur du plafond tournait bruyamment et l’air frais entrait par les persiennes quand nous arrivâmes dans la minable petite chambre. Un léger bruissement venait des palmes des cocotiers, un son plutôt plaisant, qui montait et descendait avec la brise.

Jake était assis sur un des étroits petits lits au sommier défoncé : c’était un grand gaillard dégingandé en short kaki et en polo blanc, qui tirait sur un petit cigare malodorant. Il avait la peau très bronzée et une crinière informe de cheveux blonds grisonnants. Il avait une attitude parfaitement détendue mais, sous cette façade, il était aux aguets, méfiant, et il avait les lèvres serrées.

Nous échangeâmes une poignée de main tandis qu’il se cachait à peine de me toiser de la tête aux pieds. Il avait un petit regard rapide et furtif, des yeux qui ressemblaient un peu à ceux de David, mais plus petits. Dieu sait ce qu’il vit.

« Les armes ne poseront pas de problème, dit-il avec un fort accent australien. Il n’y a pas de détecteur d’objets métalliques dans des ports comme celui-ci. J’embarquerai vers dix heures, j’installerai votre malle et vos armes dans votre cabine du pont 5, puis je vous retrouverai au Café du Centaure à Saint-George. J’espère que vous savez ce que vous faites, David, en introduisant des armes à feu à bord du Queen Elizabeth II.

— Évidemment je sais ce que je fais, répondit David avec une exquise courtoisie et un petit sourire espiègle. Maintenant, qu’avez-vous pour nous sur notre homme ?

— Ah ! oui. Jason Hamilton. Un mètre quatre-vingts, hâlé, de longs cheveux blonds, des yeux bleus au regard perçant. Un type mystérieux. Très Britannique, très poli. Les bruits les plus divers courent sur sa véritable identité. Il distribue d’énormes pourboires, il dort dans la journée et ne se donne apparemment pas la peine de quitter le bord quand le navire est au port. Chaque matin il donne à son stewart de cabine de petits paquets à poster, très tôt, avant de disparaître pour la journée. Je n’ai pas pu réussir à découvrir la boîte postale, mais c’est une question de temps. On ne l’a pas encore vu à un seul repas au gril. On raconte qu’il est gravement malade. Mais ça, personne n’en sait rien. Il est l’image même de la santé, ce qui ne fait qu’ajouter au mystère. Tout le monde en parle. C’est un grand gaillard gracieux et bien bâti, avec, semble-t-il, une garde-robe éblouissante. Il joue gros à la roulette et danse pendant des heures avec les dames. En fait il a l’air d’aimer les très vieilles. Ce détail suffirait à éveiller les soupçons s’il n’était pas lui-même si horriblement riche. Il passe beaucoup de temps à simplement déambuler dans le bateau.

— Excellent. C’est tout à fait ce que je voulais savoir, fit David. Vous avez nos billets ? »

L’homme désigna un dossier en cuir noir sur la coiffeuse en osier. David en vérifia le contenu puis lui fit un signe de tête approbateur.

« Il y a eu des décès à bord jusqu’à maintenant ?

— Ah ! voilà un point intéressant. Ils en ont eu six depuis le départ de New York, ce qui est un peu plus que d’habitude. Toutes des femmes très âgées et toutes apparemment mortes d’une défaillance cardiaque. C’est le genre de renseignements que vous vouliez ?

— Certainement », fit David.

C’est le « petit coup », songeai-je.

« Maintenant vous devriez jeter un coup d’œil à ces armes à feu, dit Jack, et apprendre à vous en servir. » Il ramassa sur le plancher un petit sac de marin usé, exactement le genre de vieille sacoche en toile où on dissimulerait des armes coûteuses, me dis-je. Il sortit les armes coûteuses en question : l’une était un revolver Smith and Wesson de gros calibre ; l’autre un petit automatique qui aurait tenu dans la paume de ma main.

« Oui, je connais bien ce modèle », fit David, en prenant le gros revolver argenté et en le braquant vers le plancher. « Pas de problème. » Il ôta le chargeur, puis le remit en place. « Espérons pourtant que je n’aurai pas à l’utiliser. Ça fera un boucan épouvantable. »

Il me le tendit.

« Lestat, soupesez-moi ça, dit-il. Bien sûr, nous n’avons pas le temps de nous entraîner. J’ai demandé une détente très sensible.

— Vous l’avez, dit Jake en me regardant d’un air froid. Alors, je vous en prie, attention.

— Redoutable petite chose », dis-je. L’arme était très lourde. Une vraie petite machine à détruire. Je fis tourner le barillet. Six balles. Le revolver avait une odeur bizarre.

« Les deux sont des neuf millimètres, dit l’homme, d’un ton un peu dédaigneux. Ça vous arrête son homme sur place. » Il me montra une petite boîte en carton. « Vous aurez pas mal de munitions à votre disposition pour ce que vous avez l’intention de faire sur ce bateau.

— Ne vous inquiétez pas, Jake, fit David d’un ton ferme. Tout se passera probablement sans accroc. Et je vous remercie de votre efficacité habituelle. Maintenant, allez passer une bonne soirée sur l’île. Et je vous reverrai au Café du Centaure avant midi. »

L’homme me lança un regard extrêmement méfiant, puis hocha la tête, ramassa les revolvers et la petite boîte de balles, remit le tout dans son sac de toile, nous serra la main, puis sortit.

J’attendis qu’il eût refermé la porte. « Je crois que je ne lui plais pas, dis-je. Il est persuadé que je vous entraîne dans Dieu sait quelle sorte de crime sordide. »

David eut un petit rire. « Je me suis déjà trouvé dans des situations bien plus compromettantes que celle-ci, déclara-t-il. Et si je me préoccupais de ce que nos enquêteurs pensent de nous, il y a belle lurette que j’aurais pris ma retraite. Maintenant, que savons-nous de plus ?

— Eh bien, il se nourrit de vieilles femmes. Il doit les dépouiller aussi. Et il expédie chez lui ce qu’il leur vole dans des paquets trop petits pour éveiller les soupçons. Ce qu’il fait du butin plus encombrant, nous ne le saurons jamais. Sans doute le jette-t-il dans l’océan. J’imagine qu’il a plusieurs boîtes postales. Mais peu nous importe.

— Exact. Maintenant, fermez la porte à clé. C’est l’heure de faire un peu de sorcellerie. Ensuite, un bon dîner. Il faut que je vous enseigne d’abord à masquer vos pensées. Jake pouvait trop facilement lire en vous. Et moi aussi. Le Voleur de Corps repérera votre présence quand il sera encore à deux cents milles au large.

— Ma foi, dis-je, quand j’étais Lestat, je le faisais par un acte de volonté. Je ne sais plus du tout maintenant comment je dois m’y prendre.

— De la même façon. Nous allons nous entraîner. Jusqu’au moment où je ne pourrai plus lire chez vous une seule image ni un mot qui vous traverse l’esprit. Nous passerons alors au voyage hors du corps. »

Il regarda sa montre, ce qui me rappela soudain James dans cette petite cuisine. « Mettez le verrou. Je ne veux pas voir une femme de chambre arriver ici sans crier gare. »

J’obéis. Puis je m’assis sur le lit en face de David, qui avait pris une attitude très détendue et pourtant pleine d’autorité, remontant les manchettes empesées de sa chemise, ce qui révéla la sombre toison qui lui couvrait les bras. Il avait aussi sur la poitrine pas mal de poils bruns qui bouillonnaient par le col ouvert de sa chemise. Il n’y en avait que quelques-uns de gris, comme ceux qu’on apercevait çà et là dans sa grande barbe bien taillée. Je n’arrivais pas à croire qu’il fût un homme de soixante-quatorze ans.

« Ah, j’ai capté ça, dit-il avec un petit haussement de sourcils. Je vous capte beaucoup trop. Écoutez ce que je dis. Il vous faut ancrer dans votre esprit que vos pensées restent en vous, que vous ne tentez pas de communiquer avec d’autres créatures – ni par l’expression de votre visage, ni par vos attitudes corporelles, ni rien ; qu’en fait vous êtes impénétrable. Imaginez-vous votre esprit scellé s’il le faut. Ah ! voilà qui est bien. Derrière votre jeune et beau visage, c’est le blanc. Même vos yeux ont imperceptiblement changé. Parfait. Maintenant je vais essayer de lire en vous. Continuez votre effort. »

Au bout de quarante-cinq minutes, j’avais appris le truc sans trop de mal, mais je ne parvenais à surprendre aucune des pensées de David, même quand il faisait tous ses efforts pour les projeter vers moi. Dans ce corps-ci, je n’avais tout simplement pas les dons psychiques qu’il possédait. Nous étions toutefois parvenus à ce que je cache mes pensées, et c’était une étape cruciale. Nous continuerions à travailler là-dessus durant toute la nuit.

« Vous êtes prêt à commencer le voyage hors du corps, dit-il.

— Ça va être infernal, dis-je. Je ne pense pas que je puisse sortir de ce corps. Comme vous pouvez le voir, je n’ai tout bonnement pas vos dons.

— Allons donc », fit-il. Il changea un peu d’attitude, croisant les chevilles et se carrant un peu plus profondément dans le fauteuil. Je ne sais comment, quoi qu’il fît, il conservait toujours l’attitude du professeur, l’autorité du prêtre. Cela se sentait dans ses gestes et surtout dans sa voix.

« Allongez-vous sur le lit et fermez les yeux. Et écoutez chacune de mes paroles. »

J’obéis. Et je me sentis aussitôt un peu endormi. Sa voix devenait encore plus autoritaire dans sa douceur, un peu comme celle d’un hypnotiseur, m’ordonnant de me détendre complètement et de m’imaginer un double spirituel de cette enveloppe corporelle.

« Est-ce que je dois me représenter avec ce corps-ci ?

— Non. C’est sans importance. Ce qui compte c’est que vous – votre esprit, votre âme, votre sentiment d’identité – soyez lié à la forme que vous concevez. Imaginez-la conforme à ce qu’est votre corps, et puis dites-vous que vous voulez vous extraire de ce corps – que vous voulez vous élever vers le plafond ! »

Pendant une trentaine de minutes, David poursuivit sans hâte son instruction, répétant à sa façon les leçons que depuis des millénaires les prêtres avaient dispensées à leurs initiés. Je connaissais l’antique formule. Je connaissais aussi la totale vulnérabilité des mortels, j’avais un sentiment accablant de mes limites et j’étais envahi d’une peur qui me crispait et m’affaiblissait.

Nous nous escrimions depuis peut-être quarante-cinq minutes quand je finis par sombrer dans ce délicieux état de vibration à la pointe même du sommeil. Mon corps semblait être devenu cette exquise sensation de vibration et rien de plus ! Et au moment précis où je prenais conscience de cela et où j’aurais pu en faire la remarque, je me sentis soudain me détacher et commencer à m’élever dans les airs.

J’ouvris les yeux ; ou je crus du moins que je le faisais. Je m’aperçus que je flottais juste au-dessus de mon corps ; à vrai dire, je n’arrivais même pas à voir cette enveloppe de chair et de sang. « Monte ! » dis-je. Et aussitôt je m’élevai jusqu’au plafond avec l’exquise légèreté et la vitesse d’un ballon gonflé à l’hélium ! Ce fut un jeu d’enfant de me retourner complètement pour regarder vers le bas de la pièce.

Tiens, j’étais passé à travers les pales du ventilateur ! En fait, il se trouvait au milieu de mon corps, même si je ne pouvais rien sentir. En bas, sous moi, se trouvait la forme mortelle endormie que j’avais occupée si lamentablement durant tous ces jours étranges. Elle avait les yeux clos, tout comme la bouche.

J’aperçus David assis dans son fauteuil d’osier ; sa cheville droite posée sur son genou gauche, les mains détendues sur ses cuisses il regardait cet homme endormi. Savait-il que j’avais réussi ? Je n’entendais pas un mot de ce qu’il disait. Il me semblait être dans une sphère totalement différente de celle où se trouvaient ces deux personnages, même si j’avais l’impression d’être mon moi complet et réel.

Oh, que c’était merveilleux ! C’était si proche de la liberté que j’avais connue en tant que vampire que je faillis de nouveau éclater en sanglots. Je plaignais si fort les deux créatures esseulées que je voyais en bas. J’aurais voulu passer à travers le plafond et plonger dans la nuit.

Lentement je m’élevai, puis j’émergeai sur le toit de l’hôtel jusqu’au moment où je me retrouvai flottant au-dessus du sable blanc.

Voilà qui suffisait, n’est-ce pas ? La peur m’étreignit, la peur que j’avais connue quand j’effectuais autrefois ce petit tour. Au nom du ciel, qu’est-ce qui me maintenant vivant dans cet état ? J’avais besoin de mon corps ! Aussitôt je replongeai aveuglément dans l’enveloppe charnelle. Je m’éveillai, avec des picotements partout, dévisageant David qui me regardait du fond de son fauteuil.

« Je l’ai fait », annonçai-je. J’étais bouleversé de sentir ces enveloppes de chair et d’os m’enfermer de nouveau, de voir mes doigts s’agiter quand je leur en donnais l’ordre, de sentir mes pieds vivants dans mes chaussures. Seigneur Dieu, quelle expérience ! Et dire que tant, tant de mortels s’étaient efforcés de la décrire. Et tant d’autres, dans leur ignorance, ne croyaient pas que pareille chose fût possible.

« N’oubliez pas de masquer vos pensées, dit soudain David. Si grisé que vous soyez. Fermez bien votre esprit !

— Bien, maître.

— Et maintenant, recommençons. »

Vers minuit, quelque deux heures plus tard, j’avais appris à m’élever à mon gré. C’était même devenu une passion, cette impression de légèreté, cette frémissante ascension ! La délicieuse facilité avec laquelle je passais à travers les murs et plafond ; et puis le brusque choc du retour. Je trouvais là un plaisir qui me faisait palpiter, un plaisir pur et étincelant, comme une forme d’érotisme intellectuel.

« Pourquoi un homme ne peut-il mourir de cette façon, David ? Je veux dire : pourquoi ne peut-on tout simplement pas monter dans les cieux et quitter la terre ?

— Avez-vous vu une porte ouverte, Lestat ? demanda-t-il.

— Non, fis-je avec tristesse. J’ai vu ce monde où nous sommes. Il était si clair, si beau. Mais c’était ce monde-ci.

— Venez maintenant, il faut apprendre à donner l’assaut.

— Mais je croyais que c’était vous qui le feriez, David. Que vous alliez le secouer et le forcer à sortir de son corps et…

— Oui, et imaginez qu’il me repère avant que j’aie pu le faire et qu’il me transforme en une charmante petite torche. Que faisons-nous alors ? Non, il faut que vous appreniez ce tour-là aussi. »

C’était bien plus difficile. Cela exigeait tout le contraire de la passivité et de la détente qui nous avaient servi auparavant. Il me fallait maintenant concentrer toute mon énergie sur David afin de l’obliger par la force à sortir de son corps – un phénomène que je ne pouvais espérer voir dans la réalité – et puis m’introduire dans son corps à lui. Cela exigeait de ma part une concentration terrible. La synchronisation des gestes était essentielle. Et ces efforts répétés provoquaient chez moi un intense épuisement nerveux, un peu comme chez un droitier qui essaie d’écrire parfaitement avec la main gauche.

Plus d’une fois, je me retrouvai au bord de pleurer des larmes de rage et de frustration. David insistait absolument pour continuer et affirmait que j’y arriverais. Non, une bonne rasade de whisky ne m’aiderait pas. Non, nous ne pourrions dîner que plus tard. Non, nous ne pouvions pas faire une pause pour aller nous promener sur la plage ou prendre un bain.

La première fois où je réussis, j’étais absolument horrifié. Je me précipitai vers David et je sentis l’impact de la même façon purement mentale dont je ressentais la liberté de voler. Puis je me retrouvai à l’intérieur de David et, pendant une fraction de secondes, je m’aperçus par les yeux de David, bouche bée et le regard éteint.

J’éprouvai alors la frissonnante impression de ne plus savoir où j’étais et je ressentis un coup invisible comme si quelqu’un avait posé une grande main sur ma poitrine. Je compris que David était revenu et qu’il m’avait poussé dehors. Je planai dans l’air, puis je regagnai mon propre corps baigné de sueur, secoué d’un rire presque hystérique de folle excitation et de pur épuisement.

« C’est tout ce qu’il nous faut, annonça-t-il. Je sais maintenant que nous pouvons y parvenir. Allons, encore un coup ! Nous allons répéter ça vingt fois s’il le faut, jusqu’au moment où nous aurons la certitude de pouvoir y arriver sans faute. »

Au cinquième assaut réussi, je restai dans son corps trente bonnes secondes, absolument fasciné par les sensations différentes que j’éprouvais : les membres plus légers, la vision moins bonne et l’étrange son de ma voix sortant par sa gorge.

Baissant les yeux je vis ses mains – maigres, sillonnées de vaisseaux sanguins et je touchai les petites touffes de poils bruns sur le dessus des doigts – et c’étaient mes mains ! J’avais du mal à les contrôler. Tiens, l’une d’elles avait un tremblement prononcé que je n’avais pas remarqué auparavant.

Puis ce fut de nouveau la secousse, je m’envolais vers le haut, et le plongeon pour me retrouver dans mon corps de vingt-six ans.

Nous dûmes le faire une douzaine de fois avant que cet esclavagiste de prêtre candomblé ne déclarât que le moment était venu pour lui de résister vraiment à mon attaque.

« Maintenant, vous devez vous en prendre à moi avec une détermination bien plus acharnée. Votre objectif est de revendiquer ce corps que j’occupe ! Et attendez-vous à de la résistance. »

Nous bataillâmes une heure durant. Quand je fus enfin parvenu à le faire sortir et à le maintenir dehors pendant dix secondes, il déclara que cela suffirait.

« Il a dit la vérité à propos de vos cellules. Elles vous reconnaîtront. Elles vous accueilleront et s’efforceront de vous garder. N’importe quel humain adulte sait se servir de son propre corps beaucoup mieux que l’intrus. Et, bien sûr, vous savez utiliser ces dons surnaturels de diverses façons que je ne peux même pas concevoir en rêve. Je crois que nous pourrons y arriver. En fait, j’ai maintenant la certitude que nous le pourrons.

— Mais dites-moi une chose, fis-je. Avant que nous nous arrêtions, n’avez-vous pas envie de me faire sortir de mon corps pour y entrer ? Je veux dire, rien que pour voir l’impression que cela fait ?

— Non, fit-il doucement. Non.

— Vous n’êtes pas curieux ? lui demandai-je. Vous ne voulez pas savoir… »

Je me rendais compte que je mettais sa patience à l’épreuve.

« Écoutez, la vérité c’est que nous n’avons pas le temps de faire cette expérience. Et peut-être que je n’ai pas envie de savoir. Je me souviens bien assez de ma jeunesse. Trop bien, à dire vrai. Tout ceci n’est pas un jeu. Vous êtes capables de donner l’assaut maintenant. C’est cela qui compte. » Il regarda sa montre. « Près de trois heures. Nous allons dîner et puis nous dormirons. Nous avons toute une journée devant nous pour explorer le navire et fixer définitivement nos plans. Nous devons être reposés et avoir le plein contrôle de toutes nos facultés. Tenez, voyons ce que nous pouvons dénicher pour nous restaurer un peu. »

Nous sortîmes et longeâmes l’allée jusqu’à la petite cuisine, une drôle de petite pièce humide et passablement en désordre. Dans le réfrigérateur rouillé et gémissant, l’aimable propriétaire nous avait laissé deux assiettes avec une bouteille de vin blanc. Nous nous attablâmes et entreprîmes de dévorer tout ce qu’il y avait de riz, d’ignames et de viande épicée, sans nous soucier le moins du monde que tout cela fût très froid.

« Pouvez-vous lire mes pensées ? demandai-je après avoir bu deux verres de vin.

— Rien, vous avez saisi le truc.

— Mais comment m’y prendre pendant mon sommeil ? Le Queen Elizabeth II ne peut être à plus de deux cents milles maintenant. Le navire doit arriver au port dans deux heures.

— De la même façon que quand vous êtes éveillé. Vous fermez tout. Vous vous bouclez. Parce que, vous comprenez, on n’est jamais complètement endormi. Même les gens qui sont dans le coma ne sont pas totalement endormis. La volonté fonctionne toujours. Et c’est une question de volonté. »

Je le regardai. Il était manifestement fatigué, mais il n’avait pas l’air hagard ni le moins du monde affaibli. Son épaisse chevelure noire, de toute évidence, ajoutait à cette impression de vigueur ; et ses grands yeux sombres brillaient de la même lueur ardente qu’ils avaient toujours.

Je terminai rapidement, posai les assiettes dans l’évier et sortis sur la plage sans prendre la peine d’annoncer ce que je comptais faire. Je savais qu’il dirait que nous devrions nous reposer maintenant, et je ne voulais pas me priver de ma dernière nuit d’humain sous les étoiles.

Descendant jusqu’au bord de l’eau, je me débarrassai de mes vêtements de cotonnade et je plongeai dans les vagues. L’eau était fraîche mais attirante, j’allongeai les bras et me mis à nager. Certes, ce n’était pas facile. Cependant, ce n’était pas trop dur non plus, dès l’instant où je me résignai au fait que les humains procédaient de cette façon : une brasse après l’autre contre la force du courant, puis laissant ce corps maladroit flotter dans l’eau, ce qu’il était tout à fait disposé à faire.

Je nageai assez loin, puis me retournai sur le dos pour regarder le ciel. Il était encore plein de nuages blancs cotonneux. Un moment de paix m’envahit, malgré la fraîcheur sur ma peau dénudée, l’obscurité qui m’entourait et l’étrange sentiment d’être vulnérable que j’éprouvais en flottant sur cette mer sombre et traîtresse. À l’idée de me retrouver dans mon ancien corps, je ne pouvais qu’être heureux et, une fois de plus, je compris que j’avais échoué dans mon aventure humaine.

Je n’avais pas été le héros de mes propres rêves. J’avais trouvé l’existence humaine trop dure.

Je finis par revenir à la nage jusqu’à l’endroit où j’avais pied, puis je remontai jusqu’à la plage. Je ramassai mes vêtements, les secouai pour faire tomber le sable et regagnai la petite chambre.

Seule une lampe était allumée sur la coiffeuse. David était assis sur son lit, le plus près de la porte, vêtu seulement d’une longue veste de pyjama blanche et fumant un de ses petits cigares. J’en aimais bien l’odeur, sombre et douce.

Il était comme toujours, très digne, les bras croisés, les yeux pleins d’une curiosité bien normale en me regardant prendre une serviette sur la baignoire pour m’essuyer les cheveux et la peau.

« Je viens d’appeler Londres, m’annonça-t-il.

— Quelles nouvelles ? » Je m’essuyai le visage avec la serviette, puis la lançai sur le dossier du fauteuil. L’air me paraissait délicieux sur ma peau nue maintenant qu’elle était sèche.

« Un cambriolage dans les collines au-dessus de Caracas. Cela ressemble beaucoup aux crimes de Curaçao. Une grande villa pleine d’œuvres d’art, de bijoux et de tableaux. Une grande partie brisée en morceaux ; on n’a volé que de petits objets transportables ; il y a trois morts. Nous devrions remercier les dieux de la pauvreté de l’imagination humaine – de la mesquinerie des ambitions de cet homme – et aussi de ce que l’occasion de l’arrêter nous soit offerte si vite. Avec le temps, il aurait pris conscience de ses monstrueuses possibilités. Pour l’instant, il est toujours l’idiot prévisible que nous connaissons.

— Est-ce qu’aucune créature utilise les dons qu’elle possède ? interrogeai-je. Peut-être quelques courageux génies connaissent-ils leurs véritables limites. Que fait le reste d’entre nous sinon se plaindre ?

— Je ne sais pas », dit-il, un petit sourire triste passant sur son visage. Il secoua la tête et détourna les yeux. « Un soir, quand tout cela sera fini, vous me raconterez encore comment c’était pour vous. Comment vous avez pu être dans ce magnifique jeune corps et détester autant ce monde.

— Je vous le dirai, mais vous ne comprendrez pas. Vous êtes du mauvais côté du miroir. Seuls les morts savent combien c’est terrible d’être vivant. »

Je pris dans ma petite valise un T-shirt de coton un peu vague, mais je ne l’enfilai pas. Je m’assis sur le lit auprès de David. Puis je me penchai et, comme je l’avais fait à La Nouvelle-Orléans, je posai doucement un baiser sur son visage, savourant le contact de cette barbe mal rasée, tout comme j’appréciais ce genre de choses quand j’étais vraiment Lestat et comme je le ferais de nouveau bientôt dès que j’aurais retrouvé dans mes veines ce sang viril et énergique.

Je m’approchai de lui, mais soudain il me saisit la main et je le sentis me repousser avec douceur.

« Pourquoi, David ? » lui demandai-je.

Il ne répondit pas. Il leva la main droite et écarta une mèche qui me tombait dans les yeux.

« Je ne sais pas, murmura-t-il. Je ne peux pas. Je ne peux tout simplement pas. »

Il se leva d’un mouvement gracieux et sortit dans la nuit.

J’étais trop enflammé d’une pure passion réprimée pour faire quoi que ce fût pendant un moment. Puis je le suivis dehors. Il était descendu sur le sable et il était planté là tout seul, comme moi tout à l’heure.

Je m’approchai par-derrière.

« Dites-moi, je vous en prie, pourquoi non ?

— Je ne sais pas, répéta-t-il. Tout ce que je sais, c’est que je ne peux pas. J’en ai envie. Croyez-moi. Je ne peux pas. Mon passé est… si proche de moi. » Il poussa un long soupir et resta de nouveau silencieux un moment. Puis il reprit : « Mes souvenirs de ce temps-là sont si vivaces. C’est comme si je me retrouvais en Inde, ou à Rio. Ah ! oui, Rio. Comme si j’étais de nouveau ce jeune homme. »

Je savais que j’étais responsable de l’état dans lequel il était. Je le savais, et je n’ignorais pas qu’il était inutile de prononcer des paroles d’excuses. Je sentais aussi quelque chose d’autre. J’étais une créature maléfique et, même quand j’étais dans ce corps-ci, David sentait cette présence du mal. Il devinait la puissante avidité du vampire. C’était une vieille et terrible malédiction. Gretchen ne l’avait pas perçue. Je l’avais trompée avec ce corps tiède et accueillant. Quand David me regardait, lui, il voyait ce démon blond aux yeux bleus qu’il connaissait si bien.

Je ne dis rien. Je me contentai de regarder vers le large. Rendez-moi mon corps. Laissez-moi être ce diable, pensai-je. Éloignez de moi ce misérable désir et cette faiblesse. Ramenez-moi dans les cieux ténébreux où est ma place. Il me sembla soudain que ma solitude et ma souffrance étaient aussi terribles qu’elles l’avaient jamais été avant cette expérience, avant ce petit séjour dans une chair plus vulnérable. Oui, laissez-moi m’en échapper, je vous en prie. Laissez-moi être un observateur. Comment ai-je pu être aussi bête ?

J’entendis David me dire quelque chose, mais je n’entendais pas vraiment ses paroles. Je levai lentement les yeux, m’arrachant à mes pensées ; je vis alors qu’il s’était retourné vers moi et je m’aperçus qu’il avait posé doucement sa main sur mon cou. J’aurais voulu dire quelque chose de désagréable – ôtez votre main, ne me tourmentez pas – mais je restai muet.

« Non, vous n’êtes pas le mal, ce n’est pas cela, murmura-t-il. C’est moi, vous ne comprenez donc pas. Voilà ce que je redoute ! Vous ne savez pas ce que cette aventure a signifié pour moi ! Me retrouver ici dans cette partie du vaste monde – et avec vous ! je vous aime, vous savez. Je vous aime désespérément et follement, j’aime l’âme qui est en vous et vous ne voyez donc pas qu’elle n’est pas mauvaise. Qu’elle n’est pas avide. Elle est immense. Elle domine même ce corps juvénile à cause de votre âme, farouche et indomptable et qui échappe au temps – l’âme du véritable Lestat. Je ne peux pas lui céder. Je ne peux pas… Si je le fais, je me perdrai à jamais, aussi sûrement que si… que si…

Il s’interrompit, visiblement trop ébranlé pour continuer. J’étais consterné de la souffrance que je percevais dans sa voix, du léger tremblement qui sapait sa fermeté intérieure. Comment pourrais-je jamais me pardonner ? Je restai immobile, le regard perdu dans les ténèbres. On n’entendait que le doux fracas du ressac et le léger bruissement des palmes de cocotiers. Comme les cieux étaient vastes ; comme elles étaient délicieuses, profondes et calmes, ces heures juste avant l’aube.

Je revis le visage de Gretchen. J’entendis sa voix.

Il y a eu un instant ce matin où j’ai cru que je pouvais tout rejeter – rien que pour être avec toi… Je sentais cette envie qui m’emportait ; comme le faisait autrefois la musique. Et si tu t’avisais de dire : « Viens avec moi », même maintenant, peut-être que je le ferais… Ce que représente la chasteté c’est de ne pas tomber amoureuse… Je pourrais tomber amoureuse de toi. Je sais que je le pourrais.

Par-delà cette image brûlante, un peu floue mais indéniable, j’aperçus le visage de Louis et j’entendis des mots prononcés par sa voix que je voulais tant oublier.

Où était David ? Fasse le ciel que je m’arrache à ces souvenirs. Je n’en veux pas. Je levai les yeux et je le vis de nouveau avec son éternelle dignité, sa retenue, sa force imperturbable. Je vis aussi la douleur.

« Pardonnez-moi », murmura-t-il. Il avait la voix encore mal assurée tout en luttant pour maintenir sa belle et élégante façade. « Quand vous avez bu le sang de Magnus, vous avez bu à la fontaine de jouvence. Vraiment. Vous ne saurez jamais ce que cela signifie d’être le vieil homme que je suis aujourd’hui. Dieu me pardonne, je déteste ce mot, mais c’est vrai. Je suis vieux.

— Je comprends, dis-je. Ne vous inquiétez pas. » Je me penchai et l’embrassai de nouveau. « Je vais vous laisser tranquille. Venez, il faut que nous dormions. Je promets de vous laisser en paix. »

Le Voleur de Corps
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